Valérie Rouzeau : Sens averse (répétitions) (Éditions La Table Ronde, 2018)

Sens averse (répétitions)
Valérie Rouzeau
Éditions La Table Ronde, 2018, 140 pages


Valérie Rouzeau est magicienne de la langue ; elle invente des mots et détourne les expressions courantes.  Les poèmes dans Sens averse (répétitions) sont intelligents, ludiques et sérieux – et peuvent parfois faire rire aux éclats. Il y a quelque chose de très amusant dans le rythme de son écriture: par exemple, dans un poème sur la merveille qu’est l’énergie canine – cette phrase: ses pattes et sa pâtée / sa puce RFID ; quelque chose de si joyeux dans l’image du chien qui vous « fend la bise » lorsqu’il court sur la plage. 
     L’ordre apparemment sans queue ni tête des poèmes sied au ton sérieux de ce recueil – qui inclut des poèmes sur le changement climatique, sur les sans domicile fixe ; sur le suicide; sur quelqu’un qui fait les soldes (et en revient bredouille); sur une cour d’école bruyante tout à coté; sur la nourriture avec des nanoparticules ; sur une mégère qui crie et son ‘téléfon’; sur des conversations dans le Hole in the Wall (un bar londonien situé tout près de la National Poetry Library); ainsi que des poèmes dédiés à d’autres poètes – à Pascale Petit, à l’ancien Poète Lauréat des États-Unis Kay Ryan, et à d’autres poètes encore.
     Bonne nouvelle pour les anglophones : il existe deux recueils bilingues  de Valérie Rouzeau – Cold Spring in Winter (Arc Publications, 2009 / une traduction du recueil Pas Revoir) et Talking Vrouz (Arc Publications, 2013), grâce à la traductrice, Susan Wicks, elle-même poète – et romancière. 


Valérie Rouzeau is a linguistic magician; she invents words and subverts expressions.  The poems in Sens averse (répétitions) are clever, playful and serious – and sometimes laugh-out-loud funny, too.  There is something so fun about the rhythm of her writing: in, for example, a poem about the great wonder of a dog’s energy – this line: ses pattes et sa pâtée / sa puce RFID (its dog-paws, its dog-food, its doggy microchip); and something so full of joy in the image of the dog’s ‘windbreak-kisses’ (‘il vous fend la bise’) as it cuts across a beach. 
     The (apparently) random placing of this collection’s poems fits the ‘desperate-times’ tone of Sens averse – with poems about climate change; homelessness and suicide; going shopping during the sales (without buying anything); noisy children in a nearby schoolyard; food containing nanoparticles; a screeching adult human noise-polluter and her ‘loudphone’ (‘téléfon’); eavesdropping at the Hole in the Wall (a London pub near the National Poetry Library); and poems dedicated to other poets, such as Pascale Petit, and former US Poet Laureate Kay Ryan, as well as others. 
     Good news for readers in English: Valérie Rouzeau’s Pas Revoir (Le Dé bleu, 1999) and Vrouz (La Table Ronde, 2012) have been translated by the poet, novelist and translator Susan Wicks for the parallel texts Cold Spring in Winter (Arc Publications, 2009) and Talking Vrouz (Arc Publications, 2013). 

Caroline Lamarche -Nous sommes à la lisière – nouvelles (Gallimard, 2019)

Nous sommes à la lisière – nouvelles

Caroline Lamarche

Gallimard, 2019

176 pages

Winner of the short story category of Le Prix Goncourt, Nous sommes à la lisière (‘We are at the Very Edge’) by the Belgian writer Caroline Lamarche, is a collection of nine stories about a planet in crisis.  To be ‘à la lisière’ means: to be at the extreme edge of something – in this case: destruction.  The ‘We’ /‘Nous’ in the title is all inclusive, referring to all living beings, humans, plants, animals, the entire planet.  For, as the horse groom in the short story ‘Mensonge’, says: ‘what is bad for one is bad for the other, our health is that of the planet’.  But this is not a ‘Message’ book (Caroline Lamarche, ‘La cane frappait au carreau’, Libération, 15 March, 2019).  With these stories, some written over twenty years ago, Caroline Lamarche simply invites us, through her clear, clean style, to pay close attention.  My two favourite stories are ‘Frou-Frou’ (about a volunteer at a bird rescue centre and his duck Frou-Frou) and ‘Tish’ (about two homeless women and their cat Tish – ‘shit’, i.e. hashish backwards).  The recurring theme of Nous sommes à la lisière is compassion.

Caroline Lamarche : «La cane frappait au carreau» Par Frédérique Fanchette Envoyé spéciale à Overijse (Belgique) Photos Colin Delfosse — 15 mars 2019 à 17:07


Prix Goncourt de la Nouvelle 2019, Nous sommes à la lisière – de l’autrice belge Caroline Lamarche – est une collection de nouvelles sur notre planète en péril‘La lisière, c’est l’extrémité de quelque chose, à l’origine ‘l’extrémité d’un tissu’.  Donc « être à la lisière » c’est se tenir sur cette limite extrême, on pourrait presque dire « au bord du gouffre » en faitLe ‘Nous’ du titre est inclusif – il inclut tous les être vivants, les être-humains, les plantes, les animaux, la planète entière.  Car, comme dit le palefrenier dans la deuxième nouvelle ‘Mensonge’: ‘ce qui est mauvais pour les uns est mauvais pour les autres, notre santé, c’est celle de la planète’.  Mais ce n’est pas ‘un livre à message’ (Caroline Lamarche, «La cane frappait au carreau», Libération, 15 mars 2019).  Avec ces histoires, dont certaines écrites il y a vingt ans, Caroline Lamarche nous invite tout simplement, de par son style limpide, à être attentifs.  Mes deux nouvelles favorites sont ‘Frou-Foru’ (à propos d’une cane blessée) et ‘Tish’ (à propos d’un couple de femmes SDF et leur chat Tish – ‘shit’, c.-à-d. le haschich, à l’envers).  Le thème récurrent de Nous sommes à la lisière est la compassion.