Amandine Dhée et Carole Fives : Ça Nous Apprendra à Naître dans le Nord (La Contre Allée, 2011)

Ça Nous Apprendra à Naître dans le Nord
(La Contre Allée, 2011)
Amandine Dhée et Carole Fives

 

Two writers, Amandine Dhée et Carole Fives meet up in various cafés in Lille to co-write a book on an ex-industrial suburb of Lille, Fives – a place that ‘does not lend itself, in any way, to eroticism’ (Amandine Dhée’s words here, I think – you have to guess who says what, as the text is deliberately jumbled up).  Dhée and Fives talk about word count (how many have we got so far?) and criticise their editor (‘he obviously thought that alone we’d never make it [ …]  The equation one male author = two female ones.  How revolting’. 
A playfully disingenuous look behind the curtains at the writing process, this piece of creative nonfiction (cf. Tinderbox, Galley Beggar Press, by Megan Dunn) reads like a script for a short film – there’s an idea.  An amusing book about working conditions for women in the last century. 
I especially appreciated the library scene where, the roles being flipped, instead of letting themselves be intimidated by fusty history books (‘books are a bit like dogs you don’t know, you mustn’t let on that you’re afraid, or they take advantage’), the two writers disturb the books – mis-shelving one or two – so much, that one of the books comes shakingly forward and – I’ll leave you to read this witty book, Ça Nous Apprendra à Naître dans le Nord, and find out for yourself.  

 

Deux écrivaines, Amandine Dhée et Carole Fives se rencontrent dans divers cafés de Lille pour écrire un livre à quatre mains sur un quartier de Lille, Fives – un ancien faubourg industriel, qui « ne se prête absolument pas à l’érotisme » (c’est Amandine Dhée qui le dit – enfin, je pense – on ne peut que deviner qui dit quoi, car les « textes sont mélangés »). 
Dhée et Fives discutent du nombre de signes (« on en est à combien là ? »), critiquent leur éditeur : « il pensait surement que toutes seules on ne s’en sortirait jamais ! […]  L’équation un auteur masculin = deux auteures femmes me révolte ».   Dévoilement espiègle du processus d’écriture, cette non-fiction créative (voir aussi Tinderbox, publié chez Galley Beggar Press, de Megan Dunn) se lit comme un scénario de court métrage – tiens, voilà une belle idée.  Un petit livre amusant sur la condition des femmes ouvrières au siècle dernier. 
J’ai beaucoup aimé la scène dans une bibliothèque, où, les rôles s’inversant, au lieu de se laisser intimidées par des vieux tomes sur l’histoire (« les livres c’est un peu comme les chiens qu’on ne connait pas, faut pas leur montrer qu’on a peur, après ils en profitent »), les deux écrivaines sèment la terreur – en mettant des livres au mauvais rayon – à tel point qu’un livre « s’avance courageusement sur le rayonnage » et – je vous laisse lire ce livre plein d’esprit, Ça Nous Apprendra à Naître dans le Nord, pour découvrir la suite.

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      Ça Nous Apprendra à Naître dans le Nord / Dhée/Fives 1 - Mia Farlane (reader)
      Ça Nous Apprendra à Naître dans le Nord / Dhée/Fives 2 - Mia Farlane (reader)
      Ça Nous Apprendra à Naître dans le Nord / Dhée/Fives 3 - Mia Farlane (Reader)

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Guillaume Apollinaire : Faire l’amour et faire la guerre ; Sous la direction éditoriale de Jean-Pierre Guéno (Le Passeur, 2020)

Faire l’amour et faire la guerre
(Le Passeur, 2020)
Guillaume Apollinaire
Sous la direction éditoriale de Jean-Pierre Guéno
La correspondance inédite en un seul volume des lettres d’Apollinaire aux femmes qu’il a aimées, et à deux allégories, la guerre et la mort.
672 pp

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Voici, publié pour la première fois, toute l’écriture érotique épistolaire (dont des poèmes) de Wilhem Albert Vladimir Apollinaris de Kostrowitzky : toutes les lettres envoyées à quatre femmes qu’il a aimées.  Né à Rome en 1880 d’une mère polono-biélorusse, Albert Kostrowitzky a grandi dans un univers trilingue : français, polonais et italien).  Pendant son enfance, il a beaucoup voyagé avec sa mère en Europe.  A l’âge de 18 ans, il part vivre en France, et à 20 ans le futur auteur du ‘Pont Mirabeau’ (un poème dédié à son ex-amante, la peintre Marie Laurencin) prend pour pseudonyme Guillaume Apollinaire.  En 1914, il s’engage dans l’armée comme artilleur ; et obtient ainsi, deux ans plus tard, la nationalité française – six jours avant d’être blessé à la tempe par un éclat d’obus. En 1918, Guillaume Apollinaire, poète, dramaturge, nouvelliste, journaliste, romancier, éditeur de magazine, critique d’art et inventeur des termes « surréalisme » et « orphisme », et du calligramme, meurt à l’âge de 38 ans, de la grippe espagnole.  

Lire le recueil de lettres d’Apollinaire, c’est un peu comme tomber sur des journaux intimes (sans censure). Apollinaire estimait beaucoup ‘la franchise’.  Il « charge la lettre et il charge la parole » nous dit Laurence Campa, sa biographe (Gallimard, 2013) « de faire les choses pour lui, d’incarner à distance la caresse ». Il est dommage que les poèmes calligrammes n’aient pas été mis en page dans Faire l’amour et faire la guerre comme des calligrammes ; des notes faisant référence à cet effet (tels que : ‘calligramme en la forme d’étoile, calligramme en forme de canon) y font place.  L’éditeur, Jean-Pierre Guéno, discret, ne propose qu’une introduction fort concise, de courtes interruptions explicatives au fil du recueil, et, à la fin de « l’ouvrage, une chronologie et de très brefs ‘Que sont-elles devenues ?’ concernant les destinataires des lettres. J’aurais trouvé très utile si, en plus de cela, il y avait eu un index et quelques notes de bas de pages.  Cela dit, le livre fait déjà 672 pages, alors …

Les lettres, véritable un tour de force de prestation littéraire, se lisent comme une série de courts ‘one-man show’ – avec par exemple, dans la Lettre à Lou, datée du 28 janvier 1914, une petite querelle entre amoureux, suivie d’une réconciliation amoureuse élaborée. On peut aussi lire les réflexions d’Apollinaire sur ce qu’est être poète, et sur sa conception de la vie dans, par exemple, la Lettre à Madeleine, datée du 14 septembre 1915 : « je n’aime pas qu’on regarde les travers les vices ou les laideurs de l’homme sans sourire ce qui est une façon de comprendre et une façon de remédier en quelque sorte à notre misère en la voilant de grâce intelligente, dût-on en sangloter après ».  

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Here, published together for the first time, is all the erotic epistolary writing (with poems) of Wilhem Albert Vladimir Apollinaris de Kostrowitzkty: his letters to four women he loved.  Albert Kostrowitzky, born in Rome, in 1880, of a Polish-Belarusian mother, grew up speaking three languages, French, Italian and Polish, and travelled with his mother around Europe as a child.  At 18, he moved to France, and at 20 the future author of ‘The Pont Mirabeau’ (a poem dedicated to his then ex-lover, the painter Marie Laurencin) took the pseudonym to Guillaume Apollinaire.  In 1914, he enlisted as an artilleryman; thus, two years later gaining his French nationality – six days before he was wounded in the temple by shrapnel.  In 1918, Guillaume Apollinaire, the poet, inventor of the calligram and of terms ‘surrealism’ and ‘orphism’, playwright, short story writer, journalist, novelist, magazine editor and art critic, died, at 38, in the Spanish flu pandemic.

Reading Apollinaire’s anthology of letters is a lot like finding someone’s uncensored diaries.  Apollinaire placed great value on ‘la franchise’ (directness), and he ‘gives the letters and what he writes in them’, as Laurence Campa, author of the biography Guillaume Apollinaire (Gallimard, 2013) points out, ‘the task of doing things for him, to embody, from a distance, a caress’.  It’s a pity the poems that are calligrams are not set out in Faire l’amour et faire la guerre as calligrams; notes to this effect (such as: ‘calligram in the shape of a star’, ‘calligram in the shape of a canon’) may be found instead.  As an editor, Jean-Pierre Guéno is unobtrusive, providing a helpful, concise introduction, brief explanatory interruptions throughout this anthology, and, at the end, a chronology and ‘What became of them?’ short bios concerning the letters’ recipients.  I’d have found it helpful if, added to this, there’d been an index and footnotes.  But in that this book is already 672 pages long …

The letters are a tour de force literary performance that read like a series of one-man act short plays – see, for example the letter from Nîmes, 28 Janvier, 1914, involving a lover’s tiff and that ends with an elaborate coming together.  You can also read Apollinaire’s comments on what it is to be a poet, and (see 14 Sep, 1915) his take on life:    ‘I don’t like it when people look at man’s failings, his defects, or his ugliness, without a sense of humour, which is a way of understanding and healing our misery to some extent by veiling it with a perceptive grace, even if you have to sob afterwards.’

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Faire l’amour et faire la guerre (la critique): 1er paragraphe (reader: Mia Farlane)
Faire l’amour et faire la guerre (la critique): 2ème paragraphe (reader: Mia Farlane)
Faire l’amour et faire la guerre (la critique): 3ème paragraphe (reader: Mia Farlane)

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Apollinaire, Les Poèmes à Lou de Guillaume Apollinaire France Culture
LAURENCE CAMPA
Guillaume Apollinaire (Collection NRF Biographies, Gallimard)

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Frédérique Deghelt : Sankhara (Actes Sud, 2020)

Sankhara
(Actes Sud, 2020)
Frédérique Deghelt

The story takes place in France between the 5th and the 16th of September 2001 – two parallel stories, in fact, triggered by a fight between a woman and her husband: Hélène (who writes but doesn’t yet call herself a writer) leaves her husband, Sébastien (a journalist at AFP), with their five-year twins, and goes (her husband doesn’t know it) on a ten-day ‘Vipassana’ (means ‘conditioning’) meditation course; Sébastien, who only knows that Hélène will be back in ten days, ruminates during her absence, looks after the children (it’s a busy time, the start of the new school year) and continues his work as a journalist (against the backdrop of 9/11).   What first drew me to this novel Sankhara (means ‘that which puts together’ in Pali) was not these dramatic events, but the contrasting perspectives in the book’s narrative – between a journalist and a fiction writer.  Also, knowing that the author, Frédérique Deghelt , used to be a journalist at AFP, I imagined she’d know what she was writing about – and the novel does include many astute observations around these two very different vocations.  The second attraction for me (for some people I imagine, it would have the opposite effect) was the challenge for the reader of this book (half of which, after all, is set on a silent retreat) to accept going at a slower pace.      
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L’histoire se passe en France entre le 5 septembre et le 16 septembre 2001 – il s’agit de deux histoires, en fait, en parallèle, dont le déclencheur est une dispute entre une femme et son mari : Hélène (qui écrit mais n’assume pas encore le fait qu’elle soit écrivaine) laisse son mari, Sébastien (journaliste à l’AFP), avec leurs jumeaux âgés de cinq ans, et part pendant dix jours – pour (son mari ne le sait pas encore, mais) un stage de méditation ‘Vipassana’ (veut dire ‘les choses telles qu’elles sont); Sébastien, lui, qui sait juste qu’ Hélène va revenir dans dix jours, rumine pendant ce temps, s’occupe de leurs enfants (c’est la rentrée scolaire) et continue à faire son travail de journaliste (sur fond de 11 septembre). 
Le premier attrait, pour moi, de ce roman, Sankhara (un mot Pali qui veut dire « ce qui met ensemble ») ce n’était pas ces évènements dramatiques, mais surtout le contraste de perspectives dans la narration – en l’occurrence entre un journaliste et une écrivaine.  (Ajouter à cela le fait que l’auteure de Sankhara, Frédérique Deghelt, ait été, dans sa vie antérieure, journaliste à l’AFP – je me suis dit qu’elle saurait de quoi elle écrit.  En effet ce roman contient bien des observations astucieuses sur ces deux vocations très différentes.)  Le deuxième attrait, pour moi (pour certains, cela pourrait produire l’effet contraire, j’imagine) c’était le challenge que posait ce livre (dont la moitié de l’histoire se passe quand même dans une retraite silencieuse) : d’accepter le ralentit.

 

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La grande librairie
Destins de femmes – présenté par François Busnel:
François Busnel réunit cinq écrivaines pour évoquer avec elles leurs derniers ouvrages qui ont en commun de narrer des destins de femmes.
Tatiana de Rosnay, Gaëlle Nohant, Shumona Sinha, Nelly Alard et Frédérique Deghelt.
(diffusé le mer. 29.04.20)

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Amandine Dhée : À mains nues (La Contre-Allée, 2020)

 

 

 

 

 

 

 

À mains nues
(La Contre-Allée, 2020)
Amandine Dhée

 

Maybe it was the book’s subject (female desire) but I didn’t expect to laugh out loud while reading À mains nues – a short book that turned out to be very funny and completely devoid of earnestness.  I read this book sitting on the back steps in the sun with a pot of tea and a feeling that I was in good company.  Amandine Dhée wears her intelligence lightly in this autofiction that looks at female desire, spanning her childhood to her late thirties and, in imagination, beyond: with witty commentaries on coupledom and feminism, and wonderful imagined dialogue with a gynaecologist. What Amandine Dhée’s aunt says to the child-protagonist reminded me of Marjane Satrapi’s graphic novels; and the sections on desire in old age made me think of Diana Athill’s frank writing.  This is creative nonfiction that is generous in its honesty.  I also loved the precision and rhythm of the writing; there were passages where I felt that I was reading very good poetry, which of course I was.  Thank you, Marine Place, for recommending this book to me.      

 

C’était peut-être à cause du sujet du livre (le désir féminin) mais je ne m’attendais pas à éclater de rire en lisant À mains nues – un petit livre qui s’est avéré désopilant et complètement dépourvu de solennité.  J’ai lu ce livre, assise sur les marches derrière chez moi au soleil, une théière à mes côtés et avec le sentiment d’être en bonne compagnie.  J’ai beaucoup aimé l’intelligence sans pesanteur de cette autofiction sur le désir féminin, qui couvre l’enfance de l’auteure, Amandine Dhée, jusqu’à la fin de la trentaine, et se poursuit au-delà dans l’imagination.  Avec des commentaires pleins d’esprit sur la vie de couple et le féminisme, et un magnifique dialogue fictif chez une gynécologue. Les à-propos d’une tante à la protagoniste-enfant m’ont fait penser aux romans graphiques de Marjane Satrapi, et les paragraphes sur le désir dans la vieillesse à la franchise de Diana AthillÀ mains nues, c’est de la nonfiction créative d’une honnêteté généreuse.  J’ai aussi beaucoup aimé la précision et le rythme de l’écriture ; il y a des passages où j’avais l’impression de lire de la très bonne poésie, ce que je faisais en fait.  Merci à Marine Place pour la recommandation.     
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Here is Amandine Dhée reading À mains nues
Amandine Dhée lit “À mains nues” (La contre allée)

Rencontre avec Amandine Dhée par la Chouette Librairie

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Maïssa Bey : Nulle autre voix (Éditions de l’aube, 2018)

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Nulle autre voix
(Éditions de l’aube, 2018)

de Maïssa Bey

 

Dire que dans Nulle autre voix Maïssa Bey dénonce la violence faite aux femmes ne serait pas faux.  Ce serait seulement un peu trompeur, et fâcheusement réducteur.  Car Nulle autre voix, c’est surtout un roman subtil et sans concession sur le pouvoir libérateur de l’écriture. 
     Ça commence, comme dans une pièce de théâtre classique, par trois coups : l’histoire se déroule dans l’Algérie actuelle ; une femme tue son mari violent.  Après quinze années de prison, elle retourne dans son appartement où elle vit désormais seule et ne sort que pour faire ses courses – tôt le matin pour éviter de voir du monde : un confinement qu’elle “choisit” pour se protéger contre la malveillance des gens qui la jugent.  Mais voila qu’une femme « qui se dit écrivaine » frappe à sa porte : elle veut écrire un « roman non-fictionnel » inspiré de l’histoire vraie de cette ex-détenue – qui accepte la proposition de se confier.  Une décision déclencheuse de chaque page du livre Nulle autre voix, puisque, la narratrice (la vraie écrivaine, pourrait-on dire) se met, alors, à écrire, elle, à se raconter, chaque soir, dans ses carnets. 

 

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It would not be untrue to say that in Nulle autre voix (No Other Voice) Maïssa Bey denounces violence against women.  It would just be a little misleading – and sadly reductive.  Because Nulle autre voix, is above all a subtle, uncompromising novel about the liberating power of writing. 
     It begins, like a classic French play, with ‘les trois coups’ (three blows): the story is set in contemporary Algeria; a woman kills her violent husband.  After fifteen years in prison, she has gone back to her flat where she now lives alone, going out only to do her shopping – first thing in the morning, to avoid seeing people : a self-isolation that she has ‘chosen’ in order to protect herself against the malice of people who judge her.  But one day a woman ‘who calls herself a writer’ knocks at her door: she wants to write a ‘non-fictional novel’ based on the true story of this ex-convict – who agrees to tell her story.  A decision that triggers every page of Nulle autre voix, since the narrator (the real writer, one might say) starts to write, to tell her own story, every night, in her exercise book.

 

Books by Maïssa Bey available in English:


Do You Hear in the Mountains… and Other Stories (University of Virginia Press, 2018) Maïssa Bey. Translated by Erin Lamm. Afterword by Alison Rice

Above All, Don’t Look Back (University of Virginia Press, 2018) Maïssa Bey.  Translated by Senja L. Djelouah; introduction by Mildred P. Mortimer

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Constance Debré : Love Me Tender (Flammarion, 2020)

Love Me Tender
Constance Debré
Flammarion, 2020
192 pages

« J’aime cette chaleur, cette impression de fin du monde, je me fous de la planète qui crève, moi aussi je crève » 

J’ai hésité à lire ce livre.  Mais quelle force derrière l’écriture – qu’on va soit beaucoup aimer,  je pense, soit détester.  En tout cas, cela ne laissera personne insensible.  Dans son deuxième roman Love Me Tender (contemporain, qui se déroule à Paris), Constance Debré ne perd pas de temps en détails inutiles.  Que l’essentiel : elle compte survivre.  En se dépouillant de presque toutes ses affaires – du pas si nécessaire finalement – elle voyagera léger.  Car la situation est grave : son ex, un homme qui digère mal l’homosexualité de cette dernière (sa liberté plus précisément), l’accuse de pédophilie.  Elle perd donc la garde de son fils et doit attendre la décision du tribunal.  Durant ce temps, elle nage tous les jours (rester forte, ça l’aide) et « baise [d]es filles » – rencontres éphémères et sans lendemain, c’est ce qu’elle veut.  Aucun sentimentalisme dans ce livre qui raconte l’histoire d’une douleur insondable.  J’ai beaucoup aimé ce roman pour son acharnement, jusqu’au bout.  C’est assez impressionnant.



‘I love the heat, that end-of-the-world feeling, I don’t give a fuck that the planet’s dying, I’m dying.’

I hesitated to read this book.  But what power there is behind the writing – that readers will either love, I think, or hate.  In any case, it won’t leave the reader indifferent.  In her second novel Love Me Tender (contemporary, set in Paris), Constance Debré wastes no time on superfluous detail.  There is only what is essential – she plans to survive.  The narrator gets rid of nearly all her things – not so necessary after all – she’ll travel light.  Because the situation is serious:  her ex, a man who has trouble coping with her homosexuality (or perhaps her freedom, in particular), accuses her of paedophilia.  And so she loses the right to see her son and has to await the court’s ruling.  While this goes on, she swims daily (it helps her, to stay strong) and ‘fucks women’ – one-night-stands, or short-term lovers fine too.  No sentimentalism in this book that tells a story of such unfathomable pain.  I loved this novel for its relentlessness, right to the end.  It’s quite impressive.     

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Now available in English:
Love Me Tender is now available in English (translator Holly James), from Tuskar Rock.

PS en musique :
I Will Survive’ de Gloria Gaynor
« La pluie qui tombe » de Daniel Darc (Extrait de l’album « Crèvecœur  » 2004)

Daniel Pennac : La loi du rêveur (Gallimard, 2019)

La loi du rêveur
Gallimard, 2019
de Daniel Pennac
176 pages

À partir d’un rêve fait pendant un coma et de conversations réelles (ou peut-être bien imaginaires), Daniel Pennac raconte – en mentant pour mieux parler vrai – ses débuts d’écrivain.  Ainsi, il nous livre un conte à la fois féerique et réaliste – avec, puisque c’est plus fort que lui (on y discerne l’auteur généreux de Chagrin d’école et de Comme un roman) des pépites de conseil pratique, tel que : comment aider, par une astuce ludique (que je ne dévoilerai pas ici), des élèves qui ne veulent ou ne peuvent écrire à devenir accros de l’écriture au point de les imaginer devenir de futurs écrivains – c’est-à-dire, comme Pennac, d’enthousiastes menteurs. Dans La loi du rêveur, les rêves et la réalité se mêlent et se confondent en l’imagination [de Pennac], qui « ne doit aucune fidélité aux rêves » (La loi du rêveur). Pennac dit « j’aime admirer. C’est chez moi une autre façon de lire. ». Un livre magique. 

Taken from dreams he had during a coma, and from real (or perhaps imagined) conversations, Daniel Pennac tells the story – lying, in order to be more truthful – of how he became a writer.  So he presents us with a tale that is both fantastical and realistic – with, since he can’t help himself (I can see here the author of School Blues and The Rights of the Reader, translated by Sarah Ardizzone) little gems of practical advice, such as: how do you get students who can’t or won’t write to become addicted to writing, so much so that you could imagine them becoming writers one day – that is to say, like Pennac, enthusiastic liars.  In The Law of the Dreamer, dreams and reality mix and melt in [Pennac’s] ‘imagination, which doesn’t have to be faithful to dreams’ (La loi du rêveur). Pennac says: ‘I like to admire.  It’s my way of reading.’  A magical book.    

Chagrin d’école (Gallimard, 2007) de Daniel Pennac:
School Blues (MACLEHOSE PRESS, 2010), translated by Sarah Ardizzone.

Comme un roman (Gallimard, 1992) de Daniel Pennac:
Reads Like a Novel
(Quartet Books, 1994), translated by Daniel Gunn
The Rights of the Reader (Candlewick Press, 2008 / Penguin Random House, 2015), translated by Sarah Ardizzone

Emmelie Prophète : Un ailleurs à soi (Mémoire d’encrier, 2018)

Un ailleurs à soi
Mémoire d’encrier, 2018
Emmelie Prophète 
116 pages

Emmelie Prophète est poète, romancière, journaliste et directrice de la Bibliothèque nationale d’Haïti.  Dans son dernier roman, Un ailleurs à soi, elle a voulu parler de tous ces jeunes Haïtiens qui désirent «laisser leur pays natal» (voir l’émission de Catherine Fruchon-Toussaint, « Littérature sans frontières« ).  Ce roman – dont les personnages principaux sont deux jeunes filles, Lucie et Maritou – concerne aussi «le dur défi d’être gai en Haïti» (j’utilise ici le titre d’un très beau documentaire de Sophie Langlois sur le Mouvement M en Haïti ). 
En effet, Un ailleurs à soi est un poignant roman d‘apprentissage, une histoire d’amour : Lucie travaille le jour dans un restaurant, Le Ayizan (ce qui, dans la terminologie vaudou, veut dire «terre sacrée») et la nuit elle vend son corps.  Maritou, introvertie butch, qui habite chez ses demi-sœurs Jeannette (rancunière) et Clémence (insatisfaite de sa vie), rêve de partir vivre ailleurs où «on admettait qu’il y ait des couples de même sexe» (Un ailleurs à soi).  Lorsque Lucie et Maritou deviennent amantes, Maritou lit des histoires à Lucie dans l’espoir de lui inspirer le désir de partir vivre ailleurs … 


Communauté M (Masisi, Madivin, Monkonpè, Makomè, Mix)  
≠ LGBTI
La notion de LGBT ne correspond pas à la réalité haïtienne​:
https://www.kouraj.org/la-communaut-m  

Charlot Jeudy (1 janvier, 1984 – 25 novembre, 2019) : était président de Kouraj

Emmelie Prophète is a poet, novelist, journalist and Director of Haiti’s National Library.  In Un ailleurs à soi (An Elsewhere of One’s Own) Emmelie Prophète wanted to write about all the young Haitians who long ‘to leave the country where they were born’ (Littérature sans frontières, hosted by Catherine Fruchon-Toussaint).  This novel – whose main characters are two young women, Lucie and Maritou – is also about ‘the hard challenge of being gay in Haiti’ (see Sophie Langlois’ wonderful documentary on the M MovementLe dur défi d’être gai en Haïti).  
Un ailleurs à soi is a poignant coming-of-age love story: Lucie works during the day in a restaurant, Le Ayizan (a word which in voodoo terminology means ‘sacred earth’) and sells her body at night; Maritou, a butch introvert, who lives with her half-sisters Jeannette (resentful) and Clemence (unhappy with her life), dreams of going to live somewhere else, where ‘same sex couples are accepted’ (Un ailleurs à soi).  When Lucie and Maritou become lovers, Maritou reads stories to Lucie, hoping to kindle a desire of going and living elsewhere …


The M Community (Masisi, Madivin, Makomer, Mix) ≠ LGBTI
The “LGBT” notion does not correspond to the Haitian reality
https://www.kouraj.org/from-lgbt-to-m-community

Charlot Jeudy (1 January, 1984 – 25 November, 2019): Was a leading figure in the M community   

Chloé Delaume : S’écrire : mode d’emploi (Éditions publie.net, 2008)

S’écrire : mode d’emploi
Chloé Delaume
Éditions publie.net, 2008, 22 pages

In S’écrire : mode d’emploi (Writing Oneself : a user guide), a little book of only 22 pages, Chloé Delaume shares some writing techniques – or rather her writing experiences.  Because S’écrire is not, despite its subtitle mode d’emploi, a ‘how to’ guide on writing.  It is far more magical than that.  My name is Chloé Delaume, the author concludes on the last page, I am a fictional character.  I have no user guide about writing oneself, only a few little pointers I have just laid out here.  This has merely been an experience told.  Thank you all for listening.   And here – in two sentences from S’écrire – is the core ‘how to’ of this ‘experience’: It is no longer a case of using lived material, but of purposefully making the material come about.  Injecting fiction into the course of life, in order to change life so that writing becomes, in a concrete way, something that produces fiction in real life.  Rephrased: Delaume sets about provoking situations in real life, in order to create an event that is in itself a work of art both as it happens, and on paper once written.  Inspiring writing, inspiring writing.

Dans S’écrire : mode d’emploi (Writing oneself : a user guide), un petit livre de 22 pages, Chloé Delaume partage quelques techniques d’écriture – ou plutôt ses expériences d’écriture.  En effet,  S’écrire n’est pas, malgré son sous-titre mode d’emploi, un guide d’écriture.  C’est de loin plus magique.  Je m’appelle Chloé Delaume, conclut l’autrice à la dernière page, je suis un personnage de fiction.  De l’écriture de soi, je n’ai pas de mode d’emploi, juste quelques petites pistes que je viens d’exposer.  Ce n’était qu’un témoignage.  Je vous remercie tous de m’avoir écouté.  Et voici, en deux phrases tirées de S’écrire, la procédure à suivre pour parvenir à cette ‘expérience’ :Il ne s’agit plus d’utiliser des matériaux vécus, mais de les provoquer.  Injecter de la fiction dans le cours de la vie, pour modifier celle-ci et faire que l’écriture devienne concrètement un générateur de la fiction dans le réel.  En d’autres mots: Delaume cherche à provoquer des expériences, pour en créer du vécu qui est aussi bien une œuvre d’art en soi et sur papier une fois écrit.  De l’écriture inspirante, qui inspire à écrire.

Valérie Rouzeau : Sens averse (répétitions) (Éditions La Table Ronde, 2018)

Sens averse (répétitions)
Valérie Rouzeau
Éditions La Table Ronde, 2018, 140 pages


Valérie Rouzeau est magicienne de la langue ; elle invente des mots et détourne les expressions courantes.  Les poèmes dans Sens averse (répétitions) sont intelligents, ludiques et sérieux – et peuvent parfois faire rire aux éclats. Il y a quelque chose de très amusant dans le rythme de son écriture: par exemple, dans un poème sur la merveille qu’est l’énergie canine – cette phrase: ses pattes et sa pâtée / sa puce RFID ; quelque chose de si joyeux dans l’image du chien qui vous « fend la bise » lorsqu’il court sur la plage. 
     L’ordre apparemment sans queue ni tête des poèmes sied au ton sérieux de ce recueil – qui inclut des poèmes sur le changement climatique, sur les sans domicile fixe ; sur le suicide; sur quelqu’un qui fait les soldes (et en revient bredouille); sur une cour d’école bruyante tout à coté; sur la nourriture avec des nanoparticules ; sur une mégère qui crie et son ‘téléfon’; sur des conversations dans le Hole in the Wall (un bar londonien situé tout près de la National Poetry Library); ainsi que des poèmes dédiés à d’autres poètes – à Pascale Petit, à l’ancien Poète Lauréat des États-Unis Kay Ryan, et à d’autres poètes encore.
     Bonne nouvelle pour les anglophones : il existe deux recueils bilingues  de Valérie Rouzeau – Cold Spring in Winter (Arc Publications, 2009 / une traduction du recueil Pas Revoir) et Talking Vrouz (Arc Publications, 2013), grâce à la traductrice, Susan Wicks, elle-même poète – et romancière. 


Valérie Rouzeau is a linguistic magician; she invents words and subverts expressions.  The poems in Sens averse (répétitions) are clever, playful and serious – and sometimes laugh-out-loud funny, too.  There is something so fun about the rhythm of her writing: in, for example, a poem about the great wonder of a dog’s energy – this line: ses pattes et sa pâtée / sa puce RFID (its dog-paws, its dog-food, its doggy microchip); and something so full of joy in the image of the dog’s ‘windbreak-kisses’ (‘il vous fend la bise’) as it cuts across a beach. 
     The (apparently) random placing of this collection’s poems fits the ‘desperate-times’ tone of Sens averse – with poems about climate change; homelessness and suicide; going shopping during the sales (without buying anything); noisy children in a nearby schoolyard; food containing nanoparticles; a screeching adult human noise-polluter and her ‘loudphone’ (‘téléfon’); eavesdropping at the Hole in the Wall (a London pub near the National Poetry Library); and poems dedicated to other poets, such as Pascale Petit, and former US Poet Laureate Kay Ryan, as well as others. 
     Good news for readers in English: Valérie Rouzeau’s Pas Revoir (Le Dé bleu, 1999) and Vrouz (La Table Ronde, 2012) have been translated by the poet, novelist and translator Susan Wicks for the parallel texts Cold Spring in Winter (Arc Publications, 2009) and Talking Vrouz (Arc Publications, 2013).